La dernière leçon de Serigne Abdou Rahmane Mbacké

Rédigé le 07/10/2022

Le maître a disparu mais ses enseignements scintillent et se bousculent devant l'horizon des Mourides, des musulmans tout simplement. D'aucuns se rappellent de tel livre qu'il leur a enseigné, que ce soit un livre de jurisprudence, de Tassawuuf, de Tawhid ou un livre de versification ou de prosodie arabe. D'aucuns se rappellent des livres de Cheikhoul Khadim retraçant son histoire comme "Irwa unadim" de Cheikh Mouhamadou Lamine Diop Dagana, qu'il a pris la peine de traduire in extenso. D'autres se rappellent des livres de grammaire ou de conjugaison ou de littérature arabe, qu'il avait pris la peine de traduire.

Certains entendent encore le timbre de sa douce voix qui parcourt l'entendement, tel le vent qui féconde des lettrés et des jurisconsultes, des grammairiens et des historiens. Cela aussi est un enseignement. Kalimatan Thayyibatan ou la bonne parole.

Certains se rappellent de sa frêle silhouette de soufi, nul doute qu'il ne mangeait ni ne buvait à volonté. Nul doute qu'il conduisait son âme par la bride sous le soleil torride de la vie, sans un verre bu ni un couvert entamé. Son physique des plus rustiques était aussi un cours de Tassawuuf à ciel ouvert.

Certains se rappellent de sa démarche dynamique quand le maître entendait l'appel à la prière et se dépêchait de quitter sa maison, pardon , son daara, pour aller se réfugier dans la mosquée pour de longs munajaat, entretiens avec le Seigneur. Ceci aussi est un enseignement à visage découvert.

Chacun, ses souvenirs, chacun son dernier entretien avec le Maître de Darou. Les souffrants désargentés se rappellent de la dernière ordonnance qu'il avait payée de sa poche; ceci aussi est un enseignement. Les aspirants se rappellent du dernier wird dont il les avait gratifié. Ceci aussi, est un cours de perfectionnement spirituel.

Des leçons de spiritualité, des leçons de générosité, des leçons de prodigalité et de partage, que le maître de Darou donnait sans forcer. Naturellement, car la bonté était un caractère atavique chez Serigne Abdou.

Mais que retenir de Serigne Abdou, son noble caractère rappelant les pieux abraars décrits dans les livres anciens, sa disponibilité envers les créatures, son savoir encyclopédique, la structure de son corps sculpté à force d'épreuves et de souffrance en permanence, la bienveillance que reflétaient ses yeux, son sourire angélique, sa méthode d'enseignement pragmatique, la simplicité de son habillement, sa dimension de talibé prompt à répondre à l'appel du Khalife général des Mourides ?

"Wa maa hayaatu Dunya Illaa mata'ul ghuruur : quant à la vie d'ici bas , elle n'est que jouissance éphémère ! Serigne Abdou ne connaissait pas.

Depuis sa disparition, chaque fidèle apporte son témoignage, car Serigne Abdou a servi toute la umma du Prophète, Serigne Abdou ne négligeait aucune bonne action .Mais la plus grande leçon que le maître qui détestait les satisfécits et la glorification nous laisse, pourrait être celle-ci: ô mes condisciples, sachez que la mort vient à l'improviste et quand elle arrive, personne ne pourra la repousser. Et elle frappe aussi bien la personne négligente que l'âme vertueuse et veilleuse, pieuse et prévenante. La mort ne prévient pas et frappe à n'importe quel moment de la vie, à n'importe quelle porte. Alors ô mon peuple, ô mes amis, ô mes proches, ô mes parents et disciples , dépêchez-vous de faire le bien où que vous soyez et qui que vous incarnez, car la mort vient à votre rencontre et le rendez-vous se rapproche de minute en minute.

" Serigne Abdou faisait corps avec ces paroles de notre Seigneur Allah swt : Wa saari'uu ilaa maghfiratin min rabbikumu...

Hatez-vous de mériter l'absolution de votre Seigneur et un Paradis aussi vaste que les cieux et la Terre, destiné à ceux qui craignent Dieu. A ceux qui font l'aumône, qu'ils soient à l'aise ou dans la gêne, qui savent réprimer leur colère et pardonner à leurs semblables, car Dieu aime les bienfaiteurs.....wa ni'mal Ajrul 'amiliina : et quelle belle récompense pour ceux qui accomplissent des œuvres salutaires.

Mais pas seulement !

Serigne Abdou avait adopté cet autre verset : Saabiqu Illaa Ma'firatan min Rabbikumu...
"Hatez-vous donc d'obtenir le pardon de votre Seigneur et de mériter un Paradis aussi vaste que le Ciel et la Terre, destiné à ceux qui croient en Dieu et à ses envoyés. C'est là la grâce de Dieu qu'il accorde à qui il veut , car Dieu est le maître de la grâce suprême. "

Serigne Abdou de nous exhorter

" Soyez les enfants de votre temps, remplissez-le de bonnes actions et ne projetez rien qui puisse être fait à l'instant T, ainsi vous aurez Touba, la félicité."

Telle est la dernière leçon que nous inspire la vie de cet ascète, vivant avec les dernières générations et appartenant à force de bonnes œuvres et de détermination, au cercle des premiers serviteurs sincères ayant anéanti leur vie dans l'adoration et la glorification du Seigneur de l'univers, à travers litanies, awraad, azkaar, dévotions par le corps, privation de l'âme, soulagement de la peine de leurs semblables, longues prières adressées à leur Seigneur, longues prosternations caractérisant leur statut, parfaites génuflexions reflétant leur crainte divine.

Le souvenir et la reconnaissance, le repentir et la prière s'alternaient dans le coeur du Maître de Darou, qui avait soumis tous les autres membres de son corps à la raison de leur présence sur terre: l'adoration du Seigneur.
Et Seigneur, nous témoignons et pensons à Serigne Abdou à chaque fois que nous verrons ce verset:

"Minal muuminiina rijaalun çadaquu maa ahaduu Allah alayhi... Il est parmi les croyants des hommes qui ont tenu loyalement leur engagement vis-à-vis de Dieu. Certains ont déjà accompli leur destin D'autres attendent leur tour. Mais ils n'ont jamais rien changé à leur comportement, de sorte que Dieu récompensera les hommes loyaux pour leur sincérité..Inn Allaha Affuuran Rahiiman, en Vérité, Dieu est indulgent et compatissant.

Serigne Abdou a incarné Ses Paroles et anéanti sa vie dans l'adoration et l'enseignement. Maintenant, Repos Alamayni, porte-étendard de la Charia et du Tassawuuf.





Modou Mamoune Ndiaye